jeudi 26 mai 2011

Neige sur fond blanc

« Dix-huit heures. 24 janvier. Grande nappe veloutée et crissante, silence de mort, fourmillement imminent. » C'est tout!

« 13h50. Sortie des profondeurs sinueuses des entrailles labyrinthiques de la ville.
Sortie du métro. Petite cadence, pensée au vent, cheveux en action, allure souple, raide, souple, raide, et bientôt, ô, ventre vide.
Ah! Rassembler cervelle, hémisphère Sud, rate et bouillon, presser le pas pour plus de plats, anticiper pour moins penser.
Que manger?
Insupportable vision de mes placards anéantis, et plus le temps d'aller chez Monoprix.
Il faut agir, le temps presse. 13H55. Cinq minutes que je marche et aucune révélation fulgurante concernant le menu. Je passe en revue les horizons potentiels de ma future régalade qui sera je le crains, bien banale. Placards. Aïe, on est vendredi. Et vendredi, tous les placards sont gris. Réserve? Arf, il n'y a plus de réserve depuis fort longtemps. Frigo? Ma vieille , tu n'es pas seule à convoiter ce bout de métal rectangulaire.
Et soudain, un éclair d'illumination, une percée sous la neige. Je me sens tel l'edelweiss transperçant la douce neige sur le vallon suisse... Le congélateur!
Moui, moui, moui, je jubile, je trottine, je souris. L'image d'une farandole de sachets PICARD se balance sous mes yeux. Ah! le hic: ça ne pouvait pas durer: « un sachet sortant du congélateur est un sachet sachant décongeler » Oui mais...
14h02, c'est le grand retour dans l'appartement. Départ dans trente-quatre minutes précisément et ma théorie sur les sachets va vite devoir se confirmer ou me planter là.
Je cours vers la porte, prometteuse, pour sortir le plat tant convoité.
Il est recouvert de glace, il est recouvert de glace, il est recouvert de glace...
Mes mains inspirent profondément, mon ventre vide attrape hâtivement ciseaux et sachet. Hop! Plus qu'une solution, le micro-ondes, que je déteste. 14H07. Par chance; la lucarne de l'animal électrique est suffisamment transparente( lavée il y a une semaine?) pour que je puisse suivre en toute quiétude les différentes étapes de la transformation, que dis-je! De la métamorphose de mes petits pois. Quiétude vite suivie par une angoisse impatiente; ce petit bout de glace-là, va t'il disparaître? Et celui-là là, va t'il se fendre?
Après moult craquèlements, fendaisons, transpercements, enfin une place au soleil... La couche qui recouvre le bol se défait patiemment et tombe, tombe, tombe.
Ding! 14H12, 13, 14, 15, 21. Appuie, soulève, attrape, referme, ressors, on arrive, on y arrive. On y arrive!
Mon dégel a duré douze minutes, mon repas est là, et la chute m'échappe comme neige fond au soleil!"

Floriane
16.2.11

L'heure sonne

« L'heure sonne. Nous sommes prêts, les lumières sont éteintes autour de nous, on n'entend plus un bruit. Quelques effleurements, des halètements légers et épars parsèment le silence qui règne depuis quelques instants. On se regarde, on se voit, on se sent, on se sait, personne n'a besoin de parler. Les poitrines se soulèvent de façon régulière comme à l'unisson et aspirent l'air avec un calme renouvelé. Bientôt, deux fronts vont se faire face. Bientôt les corps des uns vont s'ouvrir aux regards des autres. Peut-être cela sera l'inverse. Bientôt, ce que nous attendons autant que nous redoutons tous depuis le début va avoir lieu.
Dans la salle, l'atmosphère est étouffante, et une pointe d'anxiété semble naître devant moi. Où bien peut-être est-ce mon propre corps? Je commence à ne plus plus trop savoir qui des autres ou de moi-même s'avance. Est-ce mon propre souffle que j'entends? Est-ce mon bras qui se lève aussi promptement?
Dans cette confusion naissante,je sens quelques frôlements de mains. J'identifie leur texture, leur chaleur, je crois que j'ai un peu peur. Mais je ne suis pas seule. Je ne suis pas seule à avoir peur, du moins je crois. Les secondes s'égrènent, mes pensées défilent à toute vitesse, je ne sais plus où sont mes repères. Je me sens une, je me sens quatre, je me sens mille. Je me perds dans cette rencontre unique, dans cet instant précieux et éphémère. Je doute de mon propre corps, de se frontière, de son contact avec l'air, je me prolonge dans le corps des autres; nous ne formons qu'une unité pensante et articulée. »

Floriane, 2.2.11

jeudi 14 janvier 2010

Si votre ramage...

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samedi 9 janvier 2010

Un : La mort, après la vie, après la mort.

1- La mort


Plumb !

Peste, rage. Elle le savais à présent. Ce n'était pas ce bruit, mais ce qu'il représentait qui l'insupportait et n'arrivait plus à regarder en face son impuissance et son dégoût. Elle arrivait très bien maintenant à accepter le fait qu'elle était peut-être la seule femme sur Terre qu'un claquement de porte de réfrigérateur faisait sursauter de peur et d'angoisse. Mais son scotch devait être frais, sans savoir pourquoi, elle en avait fait un impératif. Depuis tellement de temps, elle allait chercher les petits cubes glacés, qui se trouvaient derrière cette immense porte, décorée de toutes sortes de magnétiques publicitaires. Et à chaque fois que cette maudite porte se refermait, à chaque fois que ses épais joints se heurtaient en douceur, une vague frissonnante lui parcourait l'échine et disparaissait en milliers de fourmillement au bout de ses doigts tremblants. C'était aussi une vague de souvenir, aussi brutale que blessante, qui lui rappelait à chaque fois, qu'elle était seule, toute seule. Elle saignait, sans pouvoir se soigner, et cet alcool qui avait ouvert une large plaie sur son cœur, l'empêchait de cicatriser.

Seule dans son univers réduit. Seule à vivre dans des dizaines de senteurs acres, inidentifiables. Seule à vivre dans un état d'anesthésie, sans pouvoir en sortir, comme lorsque l'on reste au lit. Une chaleur enivrante et captivante qui se referme sur vos pensées et vous faire oublier votre corps, qui devient lourd et endormi.

Cette mauvaise sensation ! Elle détestait devoir ouvrir des yeux lourd comme milles rocs. Elle détestait la douloureuse sensation que lui faisaient ressentir ses yeux quand, tel un flot déchainé, la lumière blanche pénétrait ses pupilles et la noyait de cécité. Il fallait qu'elle attende que ça passe. Les premières fois, elle se levait directement, et se heurtait à des objets sans formes, perdue au milieu de cette obscurité lumineuse. Mais c'était les premières fois, il y a longtemps, et bien du temps avait passé depuis. Alors, elle savait très bien qu'il fallait attendre, que ça passe, que ses muscles pliés daignent se remettent en fonctionnement. Puis, elle serait debout.


Mais cette fois là, elle attendit plus longtemps que les précédentes. Elle devait être fatiguée. Oui, c'était certainement pour cela qu'elle mis une éternité à se dresser, procédant par étapes successives. Mais, même une fois debout, une fois son parcours achevé, elle ne se sentait pas mieux. Tout ce qu'elle voyait était un univers déformé, mouvant, et trop rapide pour ses yeux. Elle ne reconnaissait plus rien. C'est alors qu'elle eu peur, peur d'elle même. Une froide terreur de l'alcool qui courrait dans ses veines.

Tout semblait se faire aspirer par un gigantesque trou noir. D'abord les murs, puis le plafond, et enfin le sol. Elle fut déséquilibrée par le tapis qui se déroba sous ses pieds. Encore plus vite, puis plus rien, juste le bruit sourd de sa tête heurtant le bois de la table. Ce bruit se répéta sans cesse dans son esprit.


Elle ouvrit les yeux. Les grains de poussières ne dansaient plus sur les rayons lumineux du soleil qui avaient réussit à se faufiler entre les plis du vieux rideau clos. Une étrange obscurité s'était à présent mêlée à une acre odeur d'urine sèche. C'était ça, elle avait dû se pisser dessus en tombant. On pouvait le lire dans certains magasines, que la vessie se vidait, lorsque l'on perdait connaissance. Oui, elle avait dû se pisser dessus comme une gamine ou comme une vieille. Son image d'elle même n'était pas très bonne, et à ce moment là, le peu de féminité qui lui restait était parti en vapeur. Ras le bol et colère mêlés montaient en elle : elle allait craquer, péter un câble comme avait l'habitude de dire son frère. Elle ne voulait plus subir, ne plus subir son alcoolisme qui l'avait tellement changé ces derniers temps. Après tout, pourquoi n'en serait-elle pas capable, pourquoi pas elle ? Sa tête bouillait comme une marmite, et de la colère commençait à déborder. Il fallait qu'elle explose.

Elle se traina jusqu'à la porte d'entrée, fermée depuis si longtemps,et se hissa, tant bien que mal, en agrippant la poignée grasse et glissante. Jamais elle n'aurait cru que ses jambes pouvaient encore la soutenir. Elle se retourna et s'adossa à la porte, ignorant les douleurs provenant des muscles de son cou.

Le spectacle qui s'offrit à elle était encore plus laid que ce qu'elle attendait. Cet endroit était mort, sans vie aucune, sans personne. Une larme parcouru sa joue, mais elle l'essuya vivement du revers de sa manche.

Trop, trop. C'était trop. Quitter cet endroit, quitter cet enfer qui l'avait faite prisonnière depuis bien trop longtemps : voilà tout ce qui résonnait dans sa tête. Ce but s'était fixé à elle comme un impératif. Son désir de sortir de là, de sortir vite était immense.

Elle sortit.



2-la vie après la mort


La rue avait tellement changé, c'était comme si elle ne l'avait jamais vue. Alors qu'elle découvrait cet univers nouveau, elle se mit à marcher sans en avoir conscience. Elle se heurtait aux piétons qui ne faisaient pas attention à elle. Ils étaient tous étranges, comme venus d'ailleurs. Ils marchaient en sachant vers où, elle boitait sans destination. La foule de la rue lui était complètement étrangère et lui donnait l'impression d'être un rocher au milieu du courant. Les eaux contournent ce rocher qui n'affecte pas leur mouvement.

Dans cette rue, tout bougeait. Tout était vie, il y avait des milliers d'organismes partout, et la vie était tout. Cependant, elle ne se sentait pas bien parmi eux. Il lui plaisait de les observer, mais elle aurait voulu se cacher. Au milieu de ce monde, elle continuait à se sentir seule, toute seule. N'avait-elle pas le droit de vivre elle aussi ? Si ! Elle voulait vivre ! Vivre !


Elle leva les yeux au ciel, il pleuvait, sur elle et sur sa vie. Alors elle eut un frisson, puis une toux rauque. Quelques personnes, les plus proches, la regardèrent en un éclair, comme un seul battement de cœur. Son désir était de leur montrer cette colère et ce désarroi qui la rongeaient.

Alors, elle se mit à crier. D'une voix affreuse et poussiéreuse mais ses oreilles ne l'entendaient pas, à cause du sifflement qui voilait tout son. Ce silence intérieur lui permettait d'entendre les battements de son cœur qui frappait et cognait de plus en plus fort, de plus en plus vite. Elle continuait à crier. Entendre son cœur qui battait et battait encore l'excitait, l'emballait, si bien qu'elle aurait presque pu se mettre à courir. A ce moment se sa vie, cette femme s'était vivre, s'était sentie forte.



3-La mort, après la vie, après la mort.


Elle perdit son souffle, toussa deux ou trois fois. Son cri puissant s'évanouit au plus profond de son corps. Ses jambes se brisèrent et elle s'effondra dans le caniveau. L'eau qui ruisselait lui mouillait la nuque et l'inondait de toute sa froideur. Les gouttes de pluie martelaient son visage, alors, elle ferma les yeux. Elle était comme dans un rêve. Ses pensées dansaient telles de petites flammes, devant l'écran noir de ses paupières. Puis, peu à peu, la lueur de ces flammes disparu, jusqu'à ce qu'elle ne vit plus rien. Après une longue inspiration, l'odeur de la pierre mouillée s'incrusta dans ses narines. Quelle formidable odeur ! Ce parfum lui rappelait quelque chose. Oui, un fabuleux été, un souvenir d'enfance. Ah oui ! Il s'était mis à pleuvoir, et elle et papa s'étaient réfugiés dans la grotte, en attendant que ça s'arrête. Mais n'étant pas rassurée papa l'avait prise sur ses genoux. Elle s'était blottie au creux de son père pour se protéger du froid et de ces coups de tonnerre qui l'effrayaient, malgré la bosse qu'elle sentait sous ses fesses. Papa faisait quelque chose de bizarre dans son dos. Mais sa main était sur sa petite épaule mouillée et elle n'osait se retourner. Elle se contentait de fixer la sortie de la grotte, et de contempler les fines gouttes qui tombaient sur la roche lisse. Oui, c'est à ce moment là qu'elle avait senti cette odeur. Mais à la différence que dans l'obscurité de la caverne, une autre senteur s'y était mêlée. Une senteur salée, visqueuse, et dégoutante.

Alors, elle comprit, elle comprenait enfin ce qu'il s'était passé dans la grotte de son enfance. Tandis que son corps devenait de plus en plus léger, au milieu de la foule, elle comprenait.

Elle savait qu'en hurlant, elle avait enfin vécu, parce que le jour de l'averse ce vieil été, son père, il l'avait tuée.

Elle était morte.


lundi 4 janvier 2010

Deux : abscence populaire.

Aïe, c'est si petit ici ! Si clos, je suis même enfermé à clef. Juste quatres murs. Pourtant, je suis bien. Je n'ai pas mal aux jambes, je suis assis, mais surtout, je ne suis pas pressé. Je peux me laisser aller, doucement et aussi longtemps qu'il me plaira.
Mais, d'un coup, je sens que ça arrive, pour contracter tout mon corps.
Moment de tension, de plus en plus fort, durant quelques secondes. Ouf, ça y est, mon corps se dilate, se relache. Je suis à présent léger et détendu.

Il y a aussi une petite fenêtre ici, toute petite, qui donne sur l'extérieur. Dehors, je vois deux petits carrés d'herbes qui ondulent. Il y a du vent, les vagues vertes parcourent un brin de chemin pour aller se briser sur de petites racines marrons. Des insectes verts et des insectes noirs s'y activent, s'y pressent. J'arrive même à les deviner portant un lourd fardeau, et se pressant avant la tombée de la nuit.
Au dessus d'eux, quelques chenilles rampent le long d'un tronc d'arbre à l'écorce craquelée, et à l'air si solide. Enfin, plus haut encore, la base des branches. Des branches longues et fières qui flottent sur le vent comme flotte un étendard. Elles semblent vouloir s'envoler, mais sont prisonnières du vieux tronc. On n'aperçoit pas le bout de ces branches. Tiens, oui, c'est vrai, jamais on ne peut apercevoir le bout des branches de ce type d'arbre. Sauf peut-être en hivers, lorsque les feuilles dégringolent. Mais là, elles sont bien présentes, épaisses et dodues, d'un vert luisant. Elles forment comme une épaisse chevelure bouclée qui protège l'arbre du soleil qui se met à briller trop fort certains jours d'été. Aujourd'hui, ça va. l'astre solaire ne semble pas en colère. Sa lumière est forte, mais pas excessive. On peut même distinguer quelques nuages blancs, noyés dans un océan de bleu azur. Ils sont là, à passer lentement, comme s'ils se fichaient qu'on les regarde ou pas. Oui, s'ils sont là, c'est que le soleil le veut bien, qu'il est de bonne humeur. Tout à vraiment l'air tranquille là haut.

Je ne sais pas si c'est le son terrible que fait la personne qui tambourine tout d'un coup à ma porte plus que cette odeur déplaisante arrivant à mes narines qui me tire hors de cette rêverie, mais je reprends conscience de ce qui m'entoure. J'éprouve une sensation de froid et d'engourdissement dans mes jambes. Elles sont lourdes et je crois que je n'ai plus d'orteils. De toute façon, je dois y aller, m'en aller laisser la place.
Alors, je fais ce qu'il faut faire, je me lève, tire la chasse d'eau et je m'en vais.
L'autre rentre, bon voyage.

mercredi 25 novembre 2009

Le meilleur des mondes.

Cheminement : Racine – exil – dévoration – oiseau – peuple – fruit –héros – statue – suicide – nuit.



Rien n’est plus important que nos racines, particulièrement dans l’exil. Toutes ces choses qui ne comptaient pas auparavant, son arbre natal, la saveur si particulière du ver que ramène maman à dîner, cette dévoration commune avec mes frères et sœurs de ce ridicule petit lombric. Se sentir être, se sentir appartenir, être un oiseau parmi les oiseaux, appartenir au plus grand, au plus avancé des peuples, les Rossignols.

Hélas, pour avoir croqué le fruit défendu, simplement pour avoir mangé une pomme, je fus banni. Banni à jamais, de mon petit paradis sylvestre, bouté hors de mon arbre, et envoyé dans le monde froid, terrifiant et tellement primitif des « homo sapiens ». Maman m’avait beaucoup parlé des homos sapiens, elle en voit parfois quand elle va chercher à manger, elle dit que parfois il y en a qui trainent autour de notre arbre, dans un pays qui s’appelle « Parc ». Me voilà donc chassé de l’arbre et livré à moi-même à Parc.

Le premier humain que j’ai rencontré était un grand héros, c’était écrit sur le bloc qu’il avait sous les pieds. « Jean Moulin, héros de la résistance » mais il ne bougeait pas, il restait là sans même que le vent ne lui agite une plume. Et puis pas poli avec ca, il ne me répondait pas. J’ai cru qu’il était sourd, alors je suis allé me percher sur son épaule pour parler près de son oreille. Mais rien. Alors je me suis éloigné histoire de le voir un peu mieux. Ce sont vraiment des êtres étranges que ces bêtes-là. D’abord ca n’a pas d’ailes. Ca a comme une deuxième paire de jambes supplémentaires de chaque côté du poitrail, et c’est grand, grand, au moins 60 oiseaux de hauteur !

Puis j’ai vu deux autres hommes s’approcher. Et là stupeur, ils sont pas tous de la même couleur, le premier était gris, les deux autres étaient d’un rose rougeaux, très inesthétique. Ca se tient tout le temps sur ses deux pattes du bas, ca tangue dans tous les sens comme s’ils allaient tomber, aucun aérodynamisme. En plus ils ont des voix rauques quand ils parlent, j’ai rien compris à ce qu’ils racontaient, mais ces grosses voix disharmonieuse, ca a de quoi pousser un rossignol au suicide.

C’est décidé, cette nuit, banni ou pas, je remonte dans mon arbre!

samedi 14 novembre 2009

Ventana...

Je vois la pluie tomber, ici devant moi. Je vois ces gens comme je peux voir les feuilles tomber de ce chêne, au fond du jardin, de l'autre côté de la rue. Entendez-vous les gouttes de pluie frapper le sol, sentez-vous leur douceur? Avez-vous senti souffler le vent d'automne, l'avez-vous vu dérober leurs dernières feuilles aux arbres grisonnants? Moi non. Je ne sens ni n'entends rien, ou pas comme vous. Derrière ma fenêtre, je contemple. Vous ressentez peut-être, vous, mais vous n'êtes pas derrière cette fenêtre. Vous allez me dire qu'il est facile d'ouvrir une fenêtre. Moi, je n'ai pas envie de l'ouvrir. Je n'ai pas envie de découvrir ce qui se trouve, ce qui se cache, ce qui m'attend de l'autre côté. Ce n'est pas que je suis bien ici, chez moi; je ne me sens pas plus en sécurité ici que là-bas, "dehors". D'ailleurs, me sentirais-je meilleur de l'autre côté, à l'extérieur? A m'imaginer tout un tas d'aventures là-bas, c'est finalement ici l'extérieur. Cette fenêtre est peut-être fermée, mais elle est bien plus ouverte que la votre. Je vois que cette vitre n'est pas anodine, elle n'est pas innocente à mes rêveries, à mes vies nocturnes, à mes réflexions secrètes. Je m'aperçois qu'elle est aussi la gardienne de mes secrets inavouables, la confidente. Elle est la seule qui partage mes secrets clandestins sans me regarder de travers, sans me juger. Elle est ma moitié inavouable. Et c'est à travers elle que j'imagine le bruit de la pluie ou la froideur du vent d'automne. On est peut-être en été, qui sait? Peut-être que les arbres déshabillés par l'automne seraient une bourrasque annonciatrice d'orages... Qu'importe, je me plais à dire que l'on est en automne. Aucun risque d'être frustré, je n'ouvrirai jamais cette fenêtre, soudain trop heureux de réaliser le pouvoir qu'elle m'offre. Au fond, je saurai toujours ce qui se passe à l'extérieur, mais vous, qui êtes là-bas, ne saurez pas ce que j'y vois.